mardi 24 décembre 2013

Chemin spirituel chrétien et transformation intérieure: ma chronique du 22 décembre

Ma chronique du 22 décembre dans l'émission Lumière de l'orthodoxie (textes et podcast), sur Radio Notre-Dame, abordait la question de la transformation intérieure dans un chemin spirituel chrétien à l’occasion de la parution récente d'un ouvrage passionnant.

Le temps de la Nativité, et plus généralement la période hivernale, est tout particulièrement propice à un regard porté sur soi-même en vue d’un renouvellement. Le livre du père Philippe Dautais, paru il y a peu, intitulé Si tu veux entrer dans la vie - Thérapie et croissance spirituelle, aux éditions Nouvelle Cité, s’avère précieux à cet égard. Il approfondit la question de la transformation de notre intériorité selon le projet voulu par Dieu pour l’être humain. Celui-ci peut se résumer en disant- en reprenant les versets 26 et 27 du chapitre 1 de la Genèse - qu’il s’agit de passer de l’image à la ressemblance. Le père Philippe rappelle que « la plupart des Pères de l’Église font la distinction entre l’image qui est inscrite dans l’être humain et la ressemblance qui est à acquérir par une coopération divino-humaine ». Cette démarche amène à affronter pour les traverser, et s’en enrichir, les épreuves, obstacles et douleurs que l’on rencontre dans l’existence et qui s’opposent à cette transformation.

Cette question, qui rassemble foi, tradition chrétienne, psychologie et tradition ascétique, a été plusieurs fois traitée par des auteurs orthodoxes contemporains. Je pense notamment à Jean-Claude Larchet, avec ses ouvrages sur la thérapeutique et la théologie de la maladie, la souffrance, l’inconscient spirituel, etc., mais aussi au livre d’un évêque grec, Mgr Hiérothéos (Vlachos), métropolite de Nafpaktos, nommé Psychothérapie orthodoxe, dont l’édition française est aujourd’hui épuisée.

Le livre du père Philippe Dautais offre une remarquable synthèse sur ces questions, accessible à tous. Elle est le fruit, d’une part, de son expérience pastorale, il est prêtre orthodoxe au sein de la Métropole roumaine, mais aussi des nombreuses sessions, retraites et conférences qu’il a organisé et donné, notamment au Centre Sainte-Croix, en Dordogne, qu’il a fondé et dirige avec son épouse.
Son enseignement s’appuie sur les Écritures, la tradition des Pères de l’Église et la tradition ascétique orthodoxe, qui s’exprime notamment dans la Philocalie.

Son livre commence par poser la base : qu’est-ce que l’homme ? Car finalement, tout découle de la façon dont nous voyons l’être humain, nous-même et l’autre, mais aussi et d’abord, de la façon dont Dieu voit l’être humain, ce que nous rapportent les Écritures. A cet égard, le père Philippe sait mettre en valeur et expliquer des passages particulièrement signifiants des Écritures. Il met ainsi remarquablement en lumière que la limite posée par Dieu au commencement, l’interdit de manger du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, est une invitation à la croissance. Il explique notamment : « Par la confrontation aux limites, nous sommes renvoyés à la nécessité d’aller chercher de nouvelles ressources dans nos profondeurs. Les limites deviennent des possibilités de croissance. »

Les chapitres qui suivent évoquent les blessures de l’être et les voies de guérison en s’attachant notamment aux enseignements et illustrations du Christ. Cela permet, selon la belle expression qui sert de titre à une partie, de « changer nos blessures en perles ».

Le dernier chapitre aborde la grande, difficile et souvent douloureuse question du pardon, véritable clef de la transformation, la métanoïa des Pères, à la fois conversion intérieure et retournement. Il rappelle que le pardon n’est pas l’oubli, lequel n’évacue pas le mal, mais tente de le masquer sans pouvoir supprimer sa capacité de nuisance. Il souligne que le pardon se fonde sur la prière et suppose la conversion intérieure, nous pouvons ajouter que le pardon est aussi un très puissant moteur de cette conversion intérieure.

Un livre très utile donc, en mesure d’aider de nombreuses personnes à y voir plus clair dans leur existence et à s’ouvrir davantage à l’action de l’Esprit qui renouvelle toute vie la faisant aller, selon l’expression de Grégoire de Nysse, dans ses Homélies sur le Cantique des cantiques (8e homélie), « de commencement en commencement, vers des commencements qui n’ont pas de fin ».